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13 mai 2010 4 13 /05 /mai /2010 00:11

 

 



 


Récemment s'est écrit 1, par un de ces nombreux mais utiles bergers de l'Être - qui eut soins de consigner, avec la même patience méticuleuse que celle des copistes du Moyen-âge qui n'entendaient rien au grec, tout ce que l'Être l'avait préposé à exprimer par son truchement - un ramassis un peu rance mais plein d'espoirs bornés de toutes les litanies autorisées sur l'Europe qui égayent, au rythme de leur monotone énonciation, tous ces débats citoyens qu'affectionne tant notre Modernité. A la fin de cet exercice de style déambulatoire, quelque part entre insignifiance et vacuité, en tout et pour tout, rien. Un énième pensum superfétatoire, où les quelques remarques qu'aurait pu faire un esprit vaguement critique ont vraisemblablement, par précaution, été remisées, et qui accouche non sans peine et sans sueur de ce genre de sentence définitive, d'ultimatum vaporeux qui n'impressionne que les rares qu'il n'a pas encore fait bailler: « l'audace ou le recul. » Rien de moins. Tout le monde en tremble encore.


Le pédagogisme, cette nouvelle forme d'éducation à destination des masses, s'entend comme nul autre pour récrire l'histoire, par adjonction rétrospective d'un sens imaginaire, par la grâce duquel quelques évènements fortuits se trouvent transmués en destinée. D'autres y verraient plutôt les signes de la fatalité, lorsque à quelques encablures de là, un plan de sauvetage, urgent mais transitoire, signale avec certes moins de lustre et de candeur ce que cette belle idée était destinée à devenir: le dernier alibi pour cacher la faillite d'un système auquel elle s'est trouvée par le plus grand des hasards participer.

Les mythes pédagogistes commencent, comme tout mythe, par faire le récit du moment fondateur, en se remémorant l'existence de ces figures tutélaires – déjà canonisées - auxquelles l'Europe devrait tout, et sous le patronyme desquelles l'avenir est dorénavant placé, quand il n'a pas, par avance et on ne sait trop où, ni par qui, déjà été écrit.

 


 

monet

 

Saint Jean qui es aux Cieux,

Que ton Idée soit sanctifiée,

Que son Règne vienne,

Que ta Volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel!



La réponse mythique a ceci de reposant pour les esprits débiles qu'elle évite d'avoir à trop s'interroger sur ce qui a réellement présidé à la création de ce qu'elle s'emploie à camoufler, sans même souvent le savoir, ce qui est le propre de toute idéologie. D'ailleurs comment prétendrait-elle connaître les intentions premières de ce projet quand une grande part ont échappée même à ceux qui en furent les premiers promoteurs? Et là où certains ont crû rétrospectivement voir dans la paix la cause finale de l'Europe, à savoir la raison pour laquelle et ce en vue de quoi elle avait été créée, d'aucuns pourraient toujours faire remarquer que la paix a été avant tout une des conditions qui a permis à l'Europe de se réaliser. Mais l'origine mythique de l'Europe a surtout permis de substituer à l'ancienne alternative, socialisme ou barbarie, celle plus fringante et moins équivoque, puisqu'elle n'en est pas une, qui laisse le choix dérisoire - les quelques fois où ce n'est pas « libéralisme ou stalinisme» - entre le Marché et la guerre. La Modernité s'entend comme nulle autre pour laisser le choix entre le oui et le oui, l'acquiescement institué et l'approbation béate, et convoque, dès qu'un trouble semble naître dans l'esprit de quelqu'un, toutes les autorités assermentées qui ont vocation à y remédier.


Il a suffi qu'un matin l'idée d'Europe soit érigée en principe à partir duquel toutes les choses - forcément bonnes - étaient, devenaient et se laissaient connaître pour que d'innombrables débats - dont l'issue était aussi prévisible qu'est inconsistante l'incidence des causeries de salon sur le cours ordinaire des évènements - fassent cas d'arguties que seuls les termes dans lesquels le problème était posé avaient fait naître. A la suite de quoi, on a pu s'étonner que s'opposent ceux qui voyaient ici l'effet d'une cause là où d'autres se croyaient fonder à voir plutôt l'inverse.

Ici le mythe moderne nous rappelle sa communauté d'origine avec la pensée pré-magique, où tout est dans tout et vice versa, et l'économie substantielle qu'il permet en matière de réflexion. Quand celle-ci pare au plus pressé, comme c'est souvent le cas, il lui suffit d'évoquer de manière allusive l'existence hypothétique d'une relation possible pour qu'ipso facto le lien de causalité soit établi avec la nécessité qui sied aux choses transcendantales. Certains ont ainsi pu croire que « l’union politique découlerait d’une union économique », opération pour laquelle, le conditionnel aidant, il n'était pas intitule d'espérer que le saint Esprit y apportât son concours. Mais pour l'esprit du temps, le rigorisme rationaliste et ses exigences d'un autre temps, et autres vétilles de la même farine, il importe avant tout d'aller à l'essentiel. C'est pourquoi de nos jours, la moindre nuance ou distinction font l'objet d'un procès en sorcellerie car elles rappellent, par leur hermétisme et leur esprit de chapelle, les temps obscurs de la scolastique. De même, s'il y a encore peu distinguer moyens et fin était condamné car relevant de l'indigente raison instrumentale, il n'a pas fallu longtemps pour que cette distinction formelle rejoigne le folklore conceptuel et par là toutes les choses surannées qu'on dénigre sous ce nom. On a ainsi pu disserter, sans craindre d'être contredit, afin de savoir si l'Europe économique était le moyen en vue d'une fin, l'Europe politique, ou si inversement, et sans que cela paraisse contradictoire, s'interroger gravement pour comprendre en quoi le moyen ne pouvait pas en définitive être la fin. A quoi avec un peu de ce bon sens, si prisé par nos Modernes parce qu'il sent pour eux autant le bas de laine qu'il prélude à la délation, on aurait pu faire remarquer que de même que le marteau est le meilleur moyen de planter un clou - l'inverse n'étant que très rarement vrai – de même l'idée creuse est souvent le meilleur moyen d'enfoncer des portes ouvertes – l'inverse n'étant ni vrai, ni faux mais privé de sens.

Un peu plus loin, là où aucune relation autre que verbale ne fut identifiable et pressentant que les incantations et les prières seraient sans effet, par une formule synthétique et laconique, on démontra avec la plus parfaite des rigueurs comment il était possible, sinon souhaitable, que toutes les conditions du miracle fussent enfin réunies. Ainsi aurait-il suffi de « [parier] sur l’effet d’engrenage supposé du marché unique et de l’euro naissant. » De la même manière aurait-on pu parier, avec la même rigueur, mais par contre avec une plus grande probabilité de résultats, et à la condition que la température et la pression restassent constantes, que par l'effet supposé de la courroie sur le tambour et autres mécanismes impénétrables, le linge sortirait propre de la machine à laver, et avec un peu d'espoir, de bonne volonté ou de chance, qu'il sentirait en plus la lavande.


Le gain d'intelligibilité que la pensée moderne apporte aux phénomènes est indéniable, surtout lorsqu'elle tente, laborieusement et après coup, de réunir ce qu'elle avait au préalable bien séparé, s'étonnant que le mystère de leur réunion n'ait jamais eu lieu, et en en cherchant les raisons dans le marc de café. Pourtant, l'Europe politique n'est pas ce qui aurait pu précéder l'Europe économique ou devrait lui succéder. Elle n'est ni avant, ni après, ni au delà, ni l'horizon de l'Europe économique. Elle est plus prosaïquement ce qui « essentiellement et nécessairement va avec » l'Europe économique, et réciproquement. Ce qui signifie qu'elles ne sont pas séparables. Il n'y aurait tout simplement pas d'Europe économique si parallèlement, corrélativement, conjointement, mais surtout consubstantiellement il n'y avait pas déjà de fait une Europe politique. Il n'y aurait pas de grand Marché si dans le même temps et quelque part il n'était des règles, des décrets ou des lois édictés, des accords ou des traités ailleurs passés - qui sont tous, non pas l'effet du Marché lui-même, mais des décisions ô combien politiques - qui en garantissaient le bon et fluide fonctionnement.


Un peu plus loin est alors apparu nécessaire à certains, même si leurs imprécations outrées s'indignaient que le cours des évènements ne suivait pas la logique de leur libre association d'idées et qu'elles étaient sans effet, que l'ordre des choses devait dorénavant se plier à celui des raisons, autrement conséquent. Mais l'ordre des choses étant retors, pour ne pas dire irrationnel, l'urgence fut décrétée quand on s'aperçut que «  l’impopularité de l’Union ne se [limitait] pas à sa monnaie » et que le temps était enfin venu d'imposer, à défaut de composer.


Ce que laisse entendre un de ces nombreux scribes de la Modernité est non pas ce qui nous attend, mais ce qui est déjà là. Pour autant l'Europe ne se fera pas sans les peuples, parce qu'elle ne se fera pas du tout. L'Europe est morte-née comme le nouvel ordre mondial. Ils sont les cache-misères de la Modernité.

 

1. L'Europe a le choix: l'audace ou le recul.


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7 janvier 2009 3 07 /01 /janvier /2009 00:57

nvité ce matin-là1 sur France Culture à discutailler le bout de gras, entre deux tronches de couenne, celle toute en rondeurs d'Alexandre Adler et celle faussement bonhomme d'Olivier Duhamel, à la sauce respectivement omnisciente et Sciences-Po, un certain Olivier Roy, agrégé de philosophie et directeur de recherche au CNRS, présenté comme un "spécialiste de l'islam". Là pour tenir le crachoir de la répartie, tel le gang des potiches, outre les deux hurluberlus sus-mentionnées, l'outre-tombesque Alain-Gérard Slama et un animateur-interactif2, une dénommée Caroline Fourest, officiant elle aussi à titre d'expertisologue et par chance sur le même sujet, l'islam, fond de commerce florissant sur le marché des idées dans le vent et lucratives.


Dans sa chronique du jour consacrée à la politique européenne de Nicolas Sarkozy, tout en ronds de jambe - un pas en avant, un pas en arrière pour ménager le Prince et prévenir les aléas d'un futur que l'envergure de sa propre pensée ne parvient pas toujours à totalement résorber3 – l'unijambiste bicéphale Alexandre Adler, par sa promotion quasi-quotidienne du télé-travail4, nous rappelle que la fonction de laquais des pouvoirs, surtout pour un ancien marxiste-léniniste, requiert toujours un minimum de souplesse.

Quelques minutes plus tard, c'est au tour de l'eurolâtre bêlant, le post-traumatisé du 29 mai 2005, Olivier Duhamel, d'exercer ses talents de contorsionniste et de convenir, après les circonlocutions d'usage qui circonscrivent aux marges la pertinence de toute critique, qu'appeler les Irlandais à revoter est une semonce à laquelle il n'aurait certainement pas daigné se soumettre, quelques temps après les y avoir sommés.



De ce ramassis de sommités, de cet agrégat de doctes paroles, la voix de l'animateur-bonimenteur Ali Baddou est là pour garantir la promotion, et celle accessoire de l'invité, d'en assurer la liaison, manière d'interlude. Le prétexte à caqueter ce jour-là était les raisons des différentes conversions religieuses contemporaines. L'animateur-dénominateur du sens commun ne dérogea pas à son statut d'intermittent du bavardage durable, et au détour d'un de ses ronflants ânonnements, bafouilla à Olivier Roy avec la naïveté assurée du préposé aux sermons: « Comment expliquer ce paradoxe, cette tension, que ce qui semble le signe d'un repli sur soi, le signe d'une identité fermée soit en même temps concomitant du développement, de l'ouverture des relations, de la possibilité d'interagir, comme ça n'a jamais été possible jusqu'à présent dans l'histoire...? » Tout est là synthétisé, résumé, amalgamé pour former ce "paradoxe" qui heurte et offense l'opinion du moderne, en contrarie le réalisme naïf. La contradiction qu'il croit déceler n'est que la forme ramassée des chimériques oppositions qui hantent son petit monde intelligible et imaginaire et qui s'organisent en une structure normative et binaire. Le point d'appui archimédien de tout ce flan conceptuel, et qui n'a d'autre consistance que ce qui en organise la texture, à savoir l'association convenue de mots, d'images, de figures – et de manière générale, le simple renvoi de... à... – , n'est jamais autre chose que la factualité brute, dépouillée de toute substance, relation ou généalogie, mais qui a ici plus de charme et d'intérêt que quand elle prend la figure de l'excision, de la polygamie ou encore de l'initiation rituelle.







A son crédit néanmoins, on peut convenir qu'à l'heure de la libre circulation des biens, des marchandises et des hommes – établie du fait de l'indéniable équivalence de leur "valeur" - il paraît bien saugrenu qu'ici ou là subsistent encore des formes qui contreviennent à son extension illimitée ou à son développement spontané, qu'ici ou là des identités, des croyances, des pratiques, autrement dit des manières d'être autres en prorogent l'avènement en opposant les formes de résistance qu'elles imaginent, et on peut enfin s'étonner avec lui que tous ces crimes inconsciemment perpétrés contre la modernité ne soient pas autrement condamnés, même s'ils sont déjà condamnables. En effet, comment tolérer qu'existent ces dispositions mentales débiles et demeurées alors que dans le même temps et à l'échelle mondiale s'émancipent de toute contrainte ce  que nos juridictions tatillonnes réprouvent, ces manières raffinées de civilité qui ont pour nom "prostitution des enfants" , "trafic d'organes" ou encore "tourisme-sexuel"? Comment admettre la réticence et le refus de populations entières à ce qui est présenté comme la pointe avancée de la modernité, qui se décline en une multitude de termes inconsistants et fourre-tout, comme par exemple selon Ali Baddou, le « développement », « l'ouverture des relations » ou encore la « possibilité d'interagir »? D'autant qu'il faut une résurgence malheureuse d'atavismes primitifs jusque-là larvés, une atrophie du bulbe cérébral bien prononcée et une propension notoire à la servitude volontaire pour ne pas immédiatement voir tout le bénéfice qu'on peut tirer de la « possibilité d'interagir », quand on apprend par surcroît que cela n'avait «  jamais été possible jusqu'à présent dans l'histoire... »


Mais quand il s'agit d'adaptation rien n'est jamais trop docile, et surtout pas le langage, objet lui aussi d'une rééducation préventive et dont il s'agit de mettre au pas les diverses formes retorses. Les mots manquent-ils qu'un nouvel usage du langage s'impose séance tenante, et ce d'autant plus que la suffixation fantaisiste d'un anglicisme est sans nul doute l'indice irréfragable qu'une langue est encore vivante quand elle se prête à une malversation des plus indues. Ainsi, Ali Baddou s'interroge-t-il: « Pourquoi est-ce que ce discours de la revivalisation du religieux, le discours du born again pour parler anglais - on a du mal à trouver les mots pour qualifier ce phénomène très contemporain - pourquoi est-ce que ce discours est celui d'une déception? » Hésitations compréhensibles du locuteur, désappointement plus sûr de l'auditeur. Ici, sans doute touche-t-on à l'indicible, sachant d'ailleurs que n'importe quoi a peu de synonymes et qu'Ali Baddou en fait, à tort, un usage parcimonieux. Là, une pauvreté affligeante du vocabulaire de la langue française qui n'offrait à notre animateur-prestidigitateur verbal que de piètres et inusités expédients lexicaux (renaissance, renouveau, résurgence, reprise, regain, redémarrage, régénération, retour, réapparition, résurrection, réveil, revitalisation…), et notamment les mots « revivification » et « reviviscence »5, le premier d'usage technique, le second ambigu puisqu'il pouvait aussi bien qualifier l'objet du discours que l'espérance qu'auraient pu faire naître l'apparition de ses premiers symptômes chez son auteur6, mais surtout affecté d'un défaut rédhibitoire, puisque emprunté au latin chrétien du IVe siècle reviviscentia et attesté en français dès le XVIe siècle. Et comme le constate le ô combien pétillant Badou, «  on a du mal à trouver les mots pour qualifier ce phénomène très contemporain », surtout dans une langue qui trouve ses racines dans l'indo-européen et comporte encore quelques verrues d'origine grecque, latine et gauloise - tous ces stigmates d'un autre âge - et autant d'exceptions, et quand l'orthopédie moderne du langage a moins comme finalité de faciliter la désignation de phénomènes soi-disant nouveaux que de nous faire oublier ceux plus anciens, autrement instructifs.


La reddition de la langue ne saurait souffrir aucun délai et la mise en place de dispositifs qui en contiennent les débordements, en contraignent les frasques, en inhibent les bizarreries en en éliminant tout caractère vernaculaire ou historique se doit de calquer ses méthodes et ses principes sur ce qui ailleurs et chaque jour empiète un peu plus sur les vies, en infléchit les comportements spontanés, en modèle et uniformise les motivations. Le commerce des mots – sans même parler de celui des idées - , déclinaison à l'usage de la langue de celui qui régit de plus en plus l'ensemble de nos activités, leur emprunte maintenant non seulement leur tournure mais aussi leur substance, autorisant Olivier Roy à débiter sans l'ombre d'une hésitation que la « déculturation du religieux fait qu'on a un produit d'abord qui est très simple (…) et un produit qui fonctionne dans tous les contextes culturels, donc un produit qui marche très bien à l'exportation. » Ce à quoi quelques minutes plus tard, pour ne pas être en reste, faisait écho l'épiphénomène conceptuel Caroline Fourest, soulignant quant à elle que «  ce sont les formes de radicalisme religieuses les plus formatées et déculturées qui gagnent des parts de marché... »




De cette « 
prostitution du langage »7 dont parlait Castoriadis, paradoxalement susceptible de lui permettre à chaque fois de « retrouver une virginité intacte », il semble qu'il ne reste que le souvenir que les quelques lignes qu'il y consacra nous évoque, lorsque cet avilissement ne se monnayait pas contre ces catégories auxquelles tout est désormais réduit.8


 

1. France Culture, vendredi 12 décembre 2008.

2. Ancien élève au Lycée Henri IV, agrégé de philosophie qui "après quelques papiers dans la presse écrite" est entrée à France Culture. La voie royale.
3. "
Dans sa chronique du Figaro (29-30 septembre 2007), notre expert favori en géopolitique prophétisait : « Les États-Unis s’acheminent vraisemblablement vers un conflit entre les deux candidats de New York, Hillary Clinton et Rudy Giuliani, l’une ayant soutenu initialement la guerre contre l’Irak, l’autre acceptant en matière de mœurs l’essentiel du programme démocrate. » Alors que Giuliani s’est retiré au profit de John McCain, et que les primaires démocrates ont déjoué les prévisions d’Alexandre Adler : Barack Obama a devancé Hillary Clinton."

Acrimed Les facéties d’Alexandre Adler : Ouverture de la chasse aux hitléro-trotskistes, Acrimed, 22 octobre 2008.
4,. En 2004 d'après
Libération, Alexandre Adler gagnait l'équivalent de 3 800 par mois  pour cinq ridicules chroniques hebdomadaires, la plupart faites depuis son téléphone portable, quand elles ne sont pas pré-enregistrées.
5. Il n'était pas bien difficile de comprendre que
revival est dérivé du latin revivere, qui a donné revivre, et que sa signification est empruntée au mot renaissance, comme dans "renaissance des lettres" (Dictionnaires d'étymologie de langue française et anglaise). Tout ça pour dire, sans prétention philologique, qu'il était bien spécieux d'invoquer l'indicible caractère contemporain des phénomènes visés.

6. La reviviscence est l'action de reprendre vie mais aussi la propriété que possèdent certains êtres inférieurs de reprendre une vie active après une période de dessication. On en attend les premiers signes chez les chroniqueurs de la tranche matinale d'information de France Culture.

7. Cornélius Castoriadis, L'institution imaginaire de la société, Points seuil Essais, Paris, 1999, p. 322.

8. Une écoute distraite du début de l'émission a fait que j'ai ommis d'en retranscrire le contenu, alors qu'elle en résumait déjà tout l'esprit, notamment dans ce "revivalisme"...



illustration: Pablo Picasso, Au théâtre: scène dans le style des Mille et une nuits, 16 Novembre 1966, Paris, Musée Picasso.

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20 décembre 2008 6 20 /12 /décembre /2008 23:05

'après un article du journal Le Monde1, Eric Besson, adepte occasionnel de l'autocritique2 aux relents staliniens, rallié sur le tard mais à point nommé à Nicolas Sarkozy quelques jours avant le premier tour des dernières élections présidentielles, serait sur le point de rejoindre le parti majoritaire. De celui qui à ce moment-là déclarait: « j'ai le sentiment aujourd'hui que les valeurs auxquelles je crois, les convictions que j'ai sont, paradoxalement, mieux portées par un candidat républicain de droite que par la candidate du Parti socialiste »3, la journaliste au Monde, Sophie Landrin note, certainement dans le souci de signaler que cela va dans le bon sens, c'est-à-dire celui de l'histoire, qu'il « s'apprête à franchir un nouveau tabou.4 » A pied ou à dos d'âne, l'article ne le précise pas, ni combien d'autres obstacles à enjamber se profilent pour lui à l'horizon, et dont tous ceux, moribonds et exténués, qui gisent autour de nous, jalonnant l'histoire de la modernité, rappellent qu'ils furent en leur temps courageusement surmontés.





 


 


 



Là où le tabou n'était il y a peu qu'un autre nom du respect ou de la pudeur, l'entreprise moderne y voit un frein à son plein exercice et une contrariété qui incommode sa réalisation. Toute forme d'interdiction, fût-elle tacitement partagée, doit être levée par sa dénonciation, et à ce titre, ce qu'il reste de convictions, de loyauté ou d'honnêteté est de nos jours suspect, dans la mesure où ils dénotent un type anthropologique qu'il est justement question d'éradiquer. Aux quelques qui seraient encore pourvus de ces trop rares vertus, et qui comme luxe et « richesse suprême »5, comme le signale Jean-Claude Michéa, n'ont de bien précieux que l'accord avec eux-mêmes, le qualificatif de subversif leur est dorénavant attaché, signe d'un manquement certain, dorénavant prohibé, et avec tout ce que cela implique.

Ce nomadisme idéologique rampant d'un Eric Besson, qu'affecte la première brise, et qui au gré des courants, s'adapte en conséquence et toujours dans le sens du vent, « s'avoue "sans état d'âme" », et même « à l'aise. Très. Trop ! ». Et c'est en effet le contraire qui aurait pu étonner. « J'assume totalement le fait d'être partie prenante de la majorité », dit-il, au moment où il aurait pu lâchement se défiler en invoquant le destin de l'Être, mais où d'autres seraient peut-être fondés à y voir plus sûrement une manière d'arriviste. Car l'ambition est devenue vertu cardinale:"C'est le premier de la classe", rapporte le cancre Jean-Marie Bocquel, mauvais élève du gouvernement, mention médiocre, en voie de réorientation. Surtout quand l'ambition peut s'autoriser, comme chez Eric Besson, des atours de la modernité, dont le chatoiement hypnotique vaut comme autant de rappels à l'ordre: « J'ai voté Nicolas Sarkozy au premier et au second tour. Il a fait bouger les lignes politiques, il n'est pas prisonnier de dogme. » Et il est vrai qu'ils sont peu à ne pas succomber à tout ce qui « bouge », à tout ce qui « change », qui « avance», qui « innove », « réforme », et qu'il serait sans doute vain de leur rappeler le sens des mots et leur usage servile.



1. L'ancien socialiste Eric Besson devrait devenir "une lame de l'UMP", Le Monde, 20 décembre 2008.

2. Réunion publique de l'UMP, 23 avril 2007, Dailymotion.

3. Eric Besson va "coordonner" le pôle de gauche de l'UMP, Le Nouvel Observateur, 23 avril 2007.

4. On apprenait quelques jours plus tard, dans le même journal, conernant cette fois la "géo-ingénierie", présentée comme une technique qui permettrait d'artificiellement refroidir le climat, qu'elle bénéficie dorénavant d'une "levée du tabou", alors que cette réjouissante perspective était il y a encore deux ans ostracisée et objet de condamnation.

L'ingénierie du climat, un remède controversé, Le Monde, 22 décembre 2008.

5. Jean-Claude Michéa, L'empire du moindre mal, Paris, Climats, 2007, p. 210.


Illustration: Captifs provenant du décor du piédestal de la statue équestre d'Henri IV sur le Pont Neuf, Sculptures en bronze (fonte à la cire perdue), Bordoni Francesco, 17e siècle, Paris.

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7 décembre 2008 7 07 /12 /décembre /2008 03:00

out était réuni1 Un ramassis de brontosaures - et notamment un, «né du vivant de Lénine » - dont les vieilles lunes, qui leur tiennent lieu de chandelles, éclairaient le peu d'esprit qu'il leur reste, auréolant la tombe du défunt, de cette lumière pâle qui faisait sporadiquement scintiller les miettes d'idéologie ici et là encore éparses. Je ne sais si le défunt Pierre Lambert, 87 ans, trotskiste, aurait apprécié ce cortège funèbre qui faisait « allées combles au cimetière parisien du Père-Lachaise », où 1500 personnes déambulaient religieusement, et parmi lesquelles Francis Lalanne tentait de compenser, comme il le pouvait, l'absence de Lionel Jospin. Enfin, c'est ce qu'il s'est écrit.

Tout cela, un dénommé Renaud Dely, actuel rédacteur adjoint de Marianne, sorte de préposé accrédité par la modernité à l'excavation, dépêché sur place plus par malice que par oisiveté, se fit un devoir scrupuleux de le répertorier, consignant les us et coutumes de cette tribu aux représentations étrangement décalées et dérisoires, et pour tout dire odieuses. Qu'une atmosphère aux relents qui fleurent la préhistoire de l'humanité en en singeant les jours tardifs, que des vestiges d'une époque sans âge puissent subsister dans un temps qui se veut continuellement neuf, que tout cela intrigue au point d'inspirer commisération et sarcasmes - alors que Paris-plage ou la journée sans achat devraient, sans que pour autant il n'en soit jamais rien, provoquer une semblable réaction nauséeuse ou moqueuse - ne laisse pas pour autant d'interroger. Pour le microcosme ouaté, exalté et fun qui, à longueur d'année, dispense ses homélies sur les derniers cultes qu'il sied de célébrer, exonère de ses railleries les plus méritants en n'omettant pas de morigéner les moins dociles, il ne semble tâche plus urgente que, de ce que Philippe Muray appelait la « vieille humanité », en liquider définitivement les derniers restes. Car la vieille humanité contrarie le projet moderne en ce qu'elle perpétue ce qu'il n'a de cesse de réprouver: tout ce qui, d'une manière ou d'une autre, défie le temps, en outrage l'éternelle virginité, à savoir toute forme, ne serait-ce qu'embryonnaire, de culte, d'héritage, de dette, de tradition, de filiation, d'obligation ou même de référence au passé, fut-elle la plus allusive.

C'est à partir de cette tradition de la tabula rasa que notre candide-reporter finit, épouvanté et consterné, par découvrir les pratiques cultuelles d'une humanité en voie d'extinction, le monde sordide et grotesque des « sermons de quelques hiérarques », « l'Internationale », « le poing levé », et fatalement « la mine sombre ». Les lendemains qui chantent n'invitent pas forcément à sourire, excepté pour ceux pour qui, à quelques lieux de là, frémissent les agréments afférents au processus de mondialisation, dont l'heureux dénouement ne fait déjà sans doute plus à leurs yeux aucun doute.



   
   


1. Renaud Dély, Obsèques de Lambert: Lalanne a remplacé Jospin... , Marianne, 25 janvier 2008.

Photo: - W. R. Negashima et la princesse Kanako Katsura aux funérailles du dernier prince Katsura, Tokyo, Agence Rol.

- Funérailles de Lord Roberts, église Saint-Paul (Londres), 1914, Agence Rol.

- Funérailles de Chavez, le cortège sur les Grands Boulevards (corbillards portant des couronnes de fleurs), 1910, Agence Rol.

- Obsèques, corps prêt à être incinéré (Balkans ?), 1913, Agence Rol.

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3 décembre 2008 3 03 /12 /décembre /2008 01:39

our paraphraser Castoriadis1, "ultra-gauche", "arnarcho-autonome", "gauche radicale", "nihiliste", etc. «  ne sont que des noms de plume ou de guerre de la raison » d'État, lorsque nécessité et suffisance, occurrences préparées de longue date, exigent d'en faire l'usage qu'impose le climat que leur innocente énonciation suffit à créer. Ils ne recouvrent que partiellement ce qu'ils s'échinent à occulter, l'état d'exception, devenu la règle, lorsqu'à l'horizon se profilent les périls d'un terrorisme imaginaire, dont l'évocation, précieuse et profitable prévention, autorise par hasard à en prolonger indéfiniment le caractère transitoire.

Il y a quelques jours de cela2 - en guise de rappel pour tous ceux qui s'imaginaient que l'exception n'était pas encore tout à fait la règle - de cet état, on apprenait par un procureur de la république, une dénommée Chantal Firmigier-Michel, qu'il était souhaitable d'en continuer les vertus coercitives, en exerçant à l'encontre de tous et de chacun, ici des collégiens, un contrôle qui ne pouvait trouver de répit, parce qu'administré selon l'économie d'une entreprise durable, à la mesure du mal qu'elle avait pour mission d'endiguer. De fait, tout incline à ce qu'alors elle déclara: «Les élèves ont peur de ces contrôles, ça crée de la bonne insécurité, satisfaisante à terme en matière de prévention.»

Cette "bonne insécurité", ce climat de terreur et de suspicion, dont la délation n'est jamais que le dernier maillon mais souvent aussi le premier ressort, cette police ou cette discipline de soi par soi, qui finiront bien par être intériorisées et valorisées, tout cela, s'exerçant avec la parcimonie et la discrétion qui conviennent au maintien de l'ordre, rappelle à chacun, qu'au delà des formules incantatoires (« démocratie », « état de droit », etc.), rien le ne préserve du pire.



 

 


Comme autant d'oripeaux subversifs, la modernité décomplex(ifi)ée agite tous les signes ou symboles qu'elle a précautionneusement et au préalable assimilés et digérés 3, tous ceux qu'elles a rendus inoffensifs et sans efficace propre - quand elle ne les a pas falsifiés à cette fin - 4, tous ceux qu'elle a stérilisés et anesthésiés5, bien avant qu'ils n'aient gangréné le corps social - même si elle s'emploie, le plus souvent en temps de crise, à magiquement les conjurer -, tous ceux qui de manière rétrospectivement préventive ont été amalgamés dans le discours de la propagande politique, publicitaire et marketeuse. Du peu qu'il reste d'irréductiblement radical, diffus et incertain aussi bien dans son émission que dans sa réception, elle croit encore y déceler une menace délétère, y pressent un danger mortifère, attitude réflexe qu'appellent, en général, les situations catastrophiques pour le vivant. Mais de quel principe vital la modernité serait-elle l'expression? La "démocratie", à en croire la préposée aux déclarations lénifiantes et martiales, Michèle Alliot-Marie.

Mais la démocratie, dans sa forme actuelle, et n'en étonne notre thuriféraire de la thanatologie, est un "régime terminal"6, un corps idéologiquement mort, un cadavre pourrissant d'espérances dont chacune a été soigneusement putréfiée, un vocable désincarné et exsangue, une relique sans histoire et sans avenir, parce qu'exempte a priori, du fait notamment des formules toutes faites qui en vantent les indéfectibles vertus, de critiques. Castoriadis notait qu'« on n'honore pas un penseur en louant ou même en interprétant son travail, mais en le discutant, le maintenant par là en vie et démontrant dans les actes qu'il défie le temps et garde sa pertinence. » 7 Il n'en va pas autrement de toute forme d'institutions, surtout quand le constat de mort cérébrale est, contre toute évidence, célébré comme un signe de vitalité.


1. Cornélius Castoriadis, L'institution imaginaire de la société, Points seuil Essais, Paris, 1999, p. 327.

2. Libération.

3. Par exemple ici ou .

4. On pourra comparer la version falsifiée de l'article de Jean Jaurès (ici, et en bas de page du discours de Laurence Parisot), que la patronat fait circuler, à la reproduction de la version originale, qu'on trouvera ici. Michel Rocard fait un usage (ici) de la première qui dépasse et de de loin la vérité historique. On aura compris que cette usage est, dans un sens péjoratif, idéologique, mais surtout malhonnête; copie du texte dont on attend encore, pour invalider l'affirmation selon laquelle elle serait un faux, qu'il en fournisse la version originale. Pour plus d'informations, voir ici.

5. Ici, , ou ailleurs, etc.

6. Philippe Muray, Festivus festivus, Champs Essais, Paris, 2008, p. 65.

7. Cornélius castoridias, Domaine de l'homme, Points Seuil essais, Paris, (à préciser).


Illustration: Reigl Judit, Dérapage contrôlé (Encre de Chine sur papier d'emballage), 20e siècle, Musée national d'Art moderne - Centre Georges Pompidou, Paris.

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2 mars 2008 7 02 /03 /mars /2008 03:31

    « D'où vient mon malaise avec un certain "non" 1», s'épanchait il y a peu sur son blog, dans ce style allusif qui a vocation à insinuer à défaut de convaincre, Dominique Reynié, un des préposés conventionnés à tout type de thèse-antithèse-synthèse-de-la-modernité, AOC-isé Sciences-Po, donc expert en expertisme. On remarquera déjà qu'un « certain "non" » est abusivement restrictif, quand l'abdication réflexe mais réfléchie, l'acquiescement instinctif mais libre sont ce que pourrait opposer non pas un certain « oui » mais peut-être le « oui » pris dans sa généralité?
    De nouveau, rien à l'horizon, si ce n'est la gêne miséricordieuse que fait naître immanquablement chez le lecteur un tel attachement halluciné aux poncifs, mais qui exhalent une odeur suffisamment nauséeuse de moisi pour désigner à la réprobation générale l'abomination qu'ils signifient. L'embarras de notre bien pensant est par ailleurs compréhensible puisqu'il a classé les idées selon deux catégories: les sales et les propres. Celles qu'on ne conçoit que par nécessité gnoséologique, mais avec la lucidité et la distance suffisantes qui vous dispensent de leurs souillures. Et celles dont la seule énonciation vous dispense également mais de tout examen, étant par essence propres, au nombre desquelles l'Europe, le Marché ou la Démocratie. Des premières, imputées en creux à ceux chez qui un début d'étonnement dubitatif et consterné font naître les secondes, on se contente en général de suggérer l'étroite familiarité qu'elles entretiendraient avec les bas-fonds de la pensée interlope, ce qui permet par avance de ne pas trop s'interroger sur ce qui les a motivées, mais les rend déjà de ce fait bien plus raisonnable que les autres.


    Il y a quelques temps de cela, Georges-Marc Bénamou-du-Bulbe déclamait, après tant d'autres, avec l'acuité rétrospective qui caractérise les précurseurs: « Quel étrange melting pot de l’extrême droite à l’extrême gauche ! 2» Plus de vingt sept ans après, Dominique Reynié « découvre » enfin l'inconvenante connivence, la honteuse accointance de marginalités, ici politiques, que notre modernité regrette de ne pas avoir intégralement réussi à résorber 3. De l'extrême droite, si utile au Parti Socialiste pendant tant d'années, on sait ce - pas grand chose - que nous en disaient les visages déformés par l'indignation de toute la clique orbitale du même parti (de Bernard-Henry Levy à Georges-Marc Bénamou – mais à l'époque, le gourou s'appelait Mitterand et pas encore Nicolas Sarkozy), on sait moins par contre ce qu'en pense les mêmes depuis que ce qui en était le fond de commerce a fait l'objet de lois votées au parlement, devient la motivation banale des pratiques policières et constitue le schème des représentations ordinaires, et que son importance s'est, en nombre de suffrages, réduite dans des proportions qui ne sont pas le seul effet de la grâce ou de la maturité des citoyens. De ce qui constituait traditionnellement l'électorat des partis socialiste et communiste, les milieux populaires et qui ont alimenté le vote d'extrême droite, il ne doit rester aux mêmes que le souvenir de la compensatoire satisfaction d'avoir conquis aux dernières élections municipales les villes les plus bourgeoises sociologiquement: Paris et Lyon. De cela, qui ne sont que de très générales remarques, et bien d'autres choses, pas un mot, on ne sait jamais.
    Mais par contre toujours aux aguets quand il s'agit de sortir la lourde artillerie herméneutique, Dominique Reynié dévoile les ressorts et la subtile mécanique des non-dits de l'abjection, « cette communication silencieuse, ces complicités malgré-tout, ces combats partagés », tous ces « quelque chose », aussi distincts et définis que le vague et le flou qui les auréolent, qui sembleraient honteusement communs et partagés du fait qu'ils soient insinués comme tels, mais qui ont pour autant toutes les raisons de l'être s'ils sont justes. Et comme le note un de ses lecteurs, avec une édifiante stupidité, et pour laquelle Dominique Reynié n'émet aucune réserve (faut-il croire que cela participe aussi de « cette communication silencieuse, ces complicités malgré-tout, ces combats partagés »?) : « Vous serez étonné de trouver des membres du bureau national de la LCR signer des pétitions anti-européennes (oui je dis bien anti-européennes et pas anti-TCE ou anti-Traité de Lisbonne) avec des représentants du FN... 4» A ce niveau-là, il est évident que la psychiatrie n'est plus d'aucun secours, quand le seul qu'elle aurait pu apporter était de ramener la brebis égarée, en la lui rappelant, dans la norme, sauf quand celle-ci est de ne plus penser. « Oui je dis bien anti-européennes », limites de la pensée et du pensable sans doute pour les moutons bêlants.


    Quelques temps plus tôt, dans une interview à l'hebdomadaire L'Express, à la question de savoir ce qu'était « le bonheur parfait », au détour, une confidence: « Arriver à deux dans une maison de famille, tourner la clef, sentir l'odeur des lieux. Et avoir du temps devant soi… 5» De celui qui n'a pas pour réputation d'être un obstiné et sectaire anti-européen, Alain Duhamel, on pourrait s'étonner qu'il ne conçoive comme expression parfaite du bonheur que ce que laisse habituellement présager d'âcre l'odeur de l'archaïsme, que l'attachement irraisonné et vulgaire à de vieilles lunes, que l'enracinement dont la contingence n'a d'excuse que le court laps de temps qu'on met à s'en déprendre, ces « quelque chose » de trop précis et définis, « le lieu, la naissance, la profession, l'entourage 6», aussi la langue, la culture, le pays, qui préfigurent, sans nécessairement la figer, l'identité, pour tout dire tous les vestiges de l'anti-modernité, c'est-à-dire tout ce qui sent déjà a priori un peu le moisi.



1. D'où vient mon malaise avec un certain "non", Opinion européenneDominique Reynié, 15 février 2008.
2. Quand la serpillière de BHL cire les parquets de l’Élysée,
Le Plan B, octobre-novembre 2007.
3. On apprenait il y a quelques jours l'existence d'une tendance, inititiée par un couturier ou inventée par le journaliste lui-même, et qualifiée d'
anar-chic... Ça se passe de commentaires.
4.
D'où vient mon malaise avec un certain "non", Commentaires,
Opinion européenneDominique Reynié, 15 février 2008.
5.
Alain Duhamel, L'Express, 15 septembre 2005.
6. Simone Weil,
L'Enracinement, Paris, Gallimard, 1949, p. 45.

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23 février 2008 6 23 /02 /février /2008 06:23

Il est parfois des génies qui s'ignorent et auxquels l'époque témoigne la même indifférence aveugle. Rendons hommage, sans trop tarder, à un à qui l'histoire1,dans son ingratitude coutumière, risque de ne jamais rendre justice. Successivement conseiller à Antenne 2, directeur de recherche à l'INA, rédacteur en chef de MédiasPouvoirs, chef du service d’information et de diffusion auprès de Michel Rocard, alors premier ministre, puis différentes fonctions de direction au Groupe de la Cité, à la SOFRES et à BVA, et actuellement vice-président d'Illiad, l'illusionniste conceptualiste Jean-Louis Missika, sociologue de son état, autrement dit sociologue d’État, dissèque avec la patience d'un entomologiste et l'obsessionnelle approximation des éditoriaux d'Eric Le Boucher-Charcutier les savoureuses avancéesde notre modernité, et notamment celles que représenterait l'internet. Apprécions donc encore un peu l'iconolâtre lucidité de notre catéchèse du factuel avant qu'une actualité prochaine n'ensevelisse toutes ses futiles considérations sous les décombres de l'historicité niaise.

 

    Interrogé par le journal Le Monde, l'interconnectéDocteur Missika, qui ne fait que traduire dans une prose jargonneuse de publicitaire les pratiques ordinaires de son époque, diagnostique les symptômes, comme autant de signes de vitalité, de ce que notre modernité laisse présager de plus macabrement inquiétant. Aux questions, toutes aussi consternantes d'ailleurs, des lecteurs (« L'interconnexion permanente n'empêche-t-elle pas l'humain de conserver cet espace de liberté personnelle qui lui permet de penser et de concevoir le monde par lui-même ? » ou encore « Quels seront, selon vous, les effets de cette "interconnectivité" omniprésente sur notre comportement social ? »), sans l'ombre d'un début de doute, où l'évidence du faitse marie naturellement, par une de ces convergences historiquement remarquable, avec son bien-fondé – sans que l'une ou l'autre soient jamais interrogés - c'est-à-dire ce moment de l'histoire où la distanceminimale qu'exigeait l'esprit critique est purement et simplement abolie, sous le fallacieux prétexte de l'objectivité, l'éminence grisâtre réussit à répondre sans rire, en se pâmant devant la factualité du fait, et redécouvre ingénument l'histoire au moment où elle la nie: « Le problème de l'individu postmoderne est celui de l'intériorité », remarque le pittoresque Missika, comme s'il avait jamais existé une modernitépar rapport à laquelle l'époque postérieure aurait du être référée, si ce n'est pour signifier qu'elle vient après, mais ici après l'histoire.Or sa fin n'est-elle pas sitôt proclamée, que ce qui aurait pu en assurer l'ineffective réalisation, l'exhortation à êtremoderne, subit un infléchissement dont on voit mal finalement de quoi il procède, si ce n'est l'histoire: prescription qui dorénavant se présente sous les atours de l'invite comminatoire, forme que l'époque précédente avait même eu quelques scrupules à infliger (« On va vous faire aimer l'an 2000 » disait le slogan totalitaire de France Telecom, sur ce ton menaçant qui fait même l'économie de l'alibi qui voulait justifier les régimes de même nature: notre bonheur). Quant à l'intérioritéqui voudrait d'autant plus naturellement pouvoir s'exhiber qu'il ne lui reste généralement plus grand chose àmontrer(puisqu'il faudrait déjà qu'elle soit l'envers de quelque chose et qu'elle ne fasse donc pas immanquablement l'objet de publicité), il est regrettable que Jean-Louis Missika, 4e sur la liste PS du 12e arrondissement de Paris aux élections municipales prochaines, n'ait pas mentionné celle de l'éthérée Ségolène Royal, qui déjà selon la formule du même, par « un surprenant effet de surface », a réussi à donner au vide deux dimensions – la longueur de sa courte vue et la largeur de ses bonnes intentions - , auxquelles ne manque regrettablement qu'une troisième qui leur concèderait sans doute volontiers un peu de profondeur. La même donc, à l'instigation de quelques conseillers inspirés, tente d'extirper un résidu ignoré de sa luxuriante et abyssale intériorité en répondant, après mûre réflexion etpar écrit, à une question deTéléramasur ce qu'elle semblerait lire, n'en étant pas sûre elle-même, et témoigne, malgré elle (?), de ce qu'effectivement les individus « n'ont pas d'intériorité », rares étant aussi les occasions d'en préserver une quand le seul mot d'ordre est: transparence, et qui révèle malheureusement ce qu'une certaine pudeur avait eu le bon goût jusqu'à présent de ne pas trop faire étalage: l'ignorance.

 

    Quelques mots plus loin, égrenant sans sourciller ses analysestransgressives, c'est-à-dire les plus rebattues, et toujours prêt à établir avec l'acuité du clinicien-obstétricien le bilan des maux qui gangrènent, mais transitoirement, notre époque:« La maladie du Web, c'est peut-être l'interconnexion permanente, mais c'est une maladie infantile », pour remédier à laquelle il suffirait d'ailleurs d'éteindre l'ordinateur ou le téléphone portable, sans que cela effleure notre thérapeute duvirtuel, du trivialement possible, c'est-à-dire le choix fondamental qu'offre, pour êtreinterconnectivementlibre, la technologie:marcheouarrêt. Et du peu qu'on croyait savoir de ce qui spécifie communément une « maladie infantile », c'était son caractèrenécessaire, au sens de très probable, mais passager, qui rend d'autant plus appréciable la suite, (« On ne sait pas, une fois que la technologie se sera déployée socialement, si tout cela ne sera pas derrière nous assez rapidement »), que l'aveu d'ignoranceest de manière superfétatoire usurpé - scrupule scientiste de sociologue d’État qui ne veut pas qu'on le confonde avec Madame Irma, alors que le bien-fondé des assertions est le même - sinon pour garantir que le charlatan est aussi un sophiste, mais peu conséquent, circonspect tout d'un coup devant les conséquences des prémisses qu'il vient d'inventer. Parce qu' « on ne sait pas » comment si « l'interconnexion permanente »était«une maladie infantile », elle ne serait pas « derrière nous assez rapidement », comme peuvent l'être la rougeole et la varicelle. Moment doublement singulier qui dans le même temps où le spéculateur se dédouble, à l'instant de conclure, en un observateur neutre, établissant par-là la réalité de la science a-causale, ce qui aurait pu assurer l'unité mais aussi la responsabilité des propos (c'est-à-dire la possibilité de leur imputer un auteur, ne serait-ce que par l'usage du pronom défini « je »), se voit diluer dans l'anonymat du pronom indéfini (« On ne sait pas »), à charge à la communauté des savants d'assurer le service après-vente de toutes ces bilevesées.
    Ce qui fait qu'il est difficile de suivre l'intrigant Missika dans ces périgrinations intellectuelles quand il distingue « 
la communauté virtuelle, la communauté choisie »2,de ce qu'imposerait « la famille, le village », tous ces esclavagismes dont notre modernité nous aurait définitivement libéré, même s'il sera toujours difficile d'apprécier absolument la différence entre une servitude librement vécue et une liberté docilement choisie. Désertification des campagnes, urbanisation sans limite, célibat oufamillesmono-parentales n'interdisent pas de ressortir les vieux épouvantails oppressifs, ceux dont l'innocuité est depuis longtemps avérée, mais qui permettent, par contraste, de valoriser la modernité, dans ce qu'elle perpétue de similairement aliénant sous les termes de « communauté virtuelle » ou de « communauté choisie ».


    Un peu plus loin, l'indéniable intuition, dont même l'animalité rougit de son inconvenante hyper-rationnalité, sachant que même certains oiseaux sont capables de
compter:« Les comparateurs de prix et les sites d'analyse de produits et de services permettent au consommateur de faire des choix plus rationnels ». Il est vrai qu'être capable d'effectuer l'incroyable opération intellectuelle qui pourrait consister mentalement à se représenter les symboles « < » et « > » et en fonction de la positionrelative des chiffres pensés (ainsi 3 < 5 mais 5 > 3) ou de la valeurqui leur est affectée choisir le symbole approprié, autrement dit la faculté surnaturelle qui permet de distinguer en le comparant le chiffre le plus grand du plus petit, vous fait immédiatement rejoindre le Panthéon des grands esprits, côtoyer la crème des génies, flirter avec le ciel des idées abstraites, savourer dans un moment d'extatique spiritualité l'exceptionnelle promesse dont vous êtes effectivement gros. Mais malheureusement, apprend-on, ce n'est qu'en tant que « consommateur » (mais avec une occurrence qui devrait pouvoir augmenter avec l'ouverture des magasins le dimanche) que cette aptitude se réalise ou s'actualise (est-elle innée, acquise?) chez un individu et qui disparaît dès que celui-ci revêt son costume de citoyen, de grévisteou simplement d'individu lambda. Car il en va d'un achat comme de toute situation existentielle: il exige, dans ce qu'il a de rationnel, un engagement sans faille, une mobilisation soutenue de toutes les capacités intellectuelles: le choixd'acheter tel aspirateur plutôt qu'un autre, en fonction du prix notamment ou d'autres critères tout aussi rationnels, donne forcément un peu de sens à une vie qui en était certainement jusqu'à présent désolamment privée et initie un projet, lui même existentiel, puisque l'aspirateur fait alors partiede cette vie le peu de temps pendant lequel il fonctionne.
    On apprenait pourtant récemment la suspicion qui planait sur l'objectivité des sites de comparaison de prix. Mais Jean-Louis Missika ne doit pas lire la presse, ce qui lui épargne au moins la pénible expérience d'avoir à tomber sur ses
insipideset inconscientes contrepèteries.

 

    En tout cas, notre gloseur est lui-même capable de prouesses intellectuelles, celles qui n'exigent que de se remémorer laborieusement les improbables souvenirs de ses cours de philosophie de terminale (il en est d'ailleurs licencié), avec la candeur virginale de ceux qui découvrent l'eau chaude et l'aplomb de ceux qui pontifient à flux tendu. Sur France 5, dans l'émission Ripostes, la sentencieuse humeur que ce jour-là il répandit: « Il y a du Sarkozy chez Besancenot, c’est-à-dire quelqu’un qui est capable de parler un langage direct, un langage du sensible plus que de l’intelligible et un langage qui est en quelque sorte en phase, qui fait écho, aux émotions fortes que ressentent les gens.3»Il aurait été appréciable, parce que déjà par avance délectablement jubilatoire, d'avoir quelques précisions sur ce « langage direct », sur ce « langage du sensible » ou ces « émotions fortes que ressentent les gens ». Au « langage direct » qui signifierait sans médiation les choses (c'est-à-dire ici sans celle de l'intellect, à supposer bien sûr que cela ait un sens), Olivier Besancenot aurait été bien inspiré de préférer, quand cela est possible, la monstration, en indiquant par un geste, par exemple, cet âne-là ou Jean-Louis Missika. Voire l'onomatopée, qui aurait l'avantage à la fois d'évacuer le problèmede la polysémie, et qu'on ne confonde Jean-Louis Missika avec un âne, mais aussi celui de l'ambiguïté inhérente à tout discours parce que syntaxiquement structuré (c'est-à-dire la difficulté de caractériser logiquement les différentes fonctionsgrammaticales et dont les Catégoriesd'Aristote donnent un exemple, ambiguïtéqui suffirait à dédouaner au moins l'un des deux de ses âneries alors qu'ils sont chacun sujets grammaticaux). Économie substantielle faite du long détour par l'élaboration intellectuelle, par l'expression sans détour de ses sensationsou sentiments- à laquelle fait écho la révélatrice formule introductive du même, « mon sentiment est...», dont on n'ose trop savoir ce qu'il faut en penser ou en conclure - substitution qui à l'incompréhensible parce qu'abstraiteconstruction linguistique « ton plat est bon » privilégie un plus « direct » et sans doute intelligible « miam ».
   
De même, la distinction, rhétorique, entre sensibleet intelligible, termes qui convoient, avec l'emphase suffisante des doctes déclarations, leur connotation obligée, péjorative pour l'un et méliorative pour l'autre – distinction à laquelle on rappelera que lapréoccupationde l'intelligiblen'a jamais été que le sensible, que ce soit pour s'en distinguer, le relativiser ou encore lui donner une valeurontologique moindre, et dont on imagine mal de quoi il aurait autrement du se soucier, peut-être du supra-sensible?- , néanmoins juste assez valorisante pour placer leur auteur sur l'autel distinctif des gens qui valent, c'est-à-dire qui pensent.

 

    Quant aux « émotions fortes que ressentent les gens », il faudrait, avant d'être simplement postulées ou qu'elles n'expriment qu'un préjugé de classe, qu'elles soient partagées, c'est-à-dire minimalement dites, pour ressortir à une communautédont le langage assure en grande partie l'identité, la dimension participable. Par conséquent, soit Jean-Louis Missika comprendparce qu'il les partageet sait aussi les exprimer dans des termes similaires ou proches, par ce « langage direct », voire a su su trouver peut-être une expression plus raffinéeouélaborée, les mêmessentiments, soit il les invente en les prêtant abusivement à d'autres, alors qu'il n'en a aucune idée, ou les projette, selon ces mêmes préjugés de classe, comme si les bourgeoisn'étaient pas capables de sentiments frustes. Mais on se doute bien que ne peuvent être assailli par des « émotions fortes » que ceux dont la sensibilité n'est que grossièrement conformée, et non les rares qui ont su réunir dans une complexion délicate la bêtise de leur époque et l'infatuation de leur personne, autrement dit, les ânes en général.

 

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13 janvier 2008 7 13 /01 /janvier /2008 06:08

a plastronne, ça fanfaronne, ça se congratule, ça se félicite au Medef – mais pour combien de temps encore? - des dernières « avancées », selon le terme du Figaro1, qui loin de préfigurer le sens ou l'orientation que prendrait l'histoire récente témoignent, dérisoirement certes mais avec le pathos suffisant que requièrent ces situations bouffones, de l'état de décomposition en phase terminale du syndicalisme français qui, réserves de convenance publiquement formulées, devrait signer ce que la pudibonderie moderniste exprime avec la paresse intellectuelle qui la caractérise par la formule, devenue mot-phrase: la « réforme-du-marché-du-travail ». C'est avec cette mine réjouie des lendemains qui déchanteront pour les embrumés encéphaliques qui n'auront pas eu la pénétration d'esprit d'y avoir pressenti "l'acquis majeur pour tous"2 que la dame patronnesse Laurence Parisot jubile en confiant que « personnellement, rien ne m'a été coûteux », d'autant moins qu'aux gens patients, l'air du temps finit tôt ou tard par être profitable. Tout vient à point à qui sait attendre dit le proverbe, comme aussi bien qu'on ne perd rien pour attendre. Mais pour l'heure apprécions pleinement en la fêtant cette occasion opportune qu'a été l'élection d'un débile léger à la tête de la SARL France: c'est donc avec sa prolixité verbeuse coutumière que notre patronne se répand un peu partout en rodomontades, où la seule cohérence perceptible dans ce verbiage mou, la seule intention significative qui présume de l'existence d'un esprit, le seul signe de vie intellectuelle, repérable même chez une moule, et qui permet d'inférer qu'il n'est pas l'ultime soubresaut d'un organisme en état de mort cérébrale, se traduit ici encore par un des rares impératifs dont s'enorgueillisse notre époque, l'improbable obligation que celle-ci accepte de s'imposer fièrement, la ridicule exigence dont elle se croit l'origine spontanée comme sujet moral : débiter le plus grand nombre d'inepties dans les limites imparties (durée de l'interview, longueur de l'article, etc.), contraintes qu'elle subit fatalement mais supporte avec d'autant plus de contentement qu'elle se pense libre.

   Dans Boursorama3, la délectable sentence de l'éminence patronale, "tout le monde a compris que la durée du travail ne se décrétait pas de manière uniforme, indéfinie", condense de manière devenue somme toute assez banale l'à-peu-près en particulier et le n'importe quoi en général, qui définissent de nos jours aussi bien les critères exclusifs de ce qui est pensable qu'ils en délimitent les frontières, en en devenant les thèmes centraux, seuls pertinents et intelligibles. Que cette idiote n'ait non pas compris mais ne serait-ce qu'imaginé qu'il pût exister, peut-être, des personnes qui n'étaient - à ses yeux sans doute pas comme « tout le monde », mais qu'est-ce qu'être comme tout le monde peut bien vouloir signifier? - simplement en désaccord et non pas parce qu'ils n'avaient pas compris, mais plus trivialement parce qu'ils ne s'appellent pas L'ô-rance Parisot. Que d'autre part, les quelques qui ont encore un usage autre qu'automatique du langage se souviendront qu'en ces temps préhistoriques où les mots avaient encore un sens, l'uniforme désignait ce qui présente des éléments semblables, identiques ou proches et qui ne varient pas ou assez peu pour être identifiés commes étant cesmêmes éléments, et donc repérables ici et là comme ces mêmes éléments, c'est-à-dire suffisamment identifiés et identifiables. En ces temps immémoriaux, l'indéfini signifiait ce dont les limites ne pouvaient être déterminées et donc ce qui ne pouvait être précisément caractérisé et défini. L'infra-niaiserie de la matrone des matrones, sans doute à son aise dans cette partouze sémantique, qui accole en les associant « uniforme » et « indéfini » comme autant de synonymes, illustre les péripéties d'un langage abâtardi, auquel est refusé l'idée d'une logique, de quelques règles qui en délimitent l'usage et en permettent le fonctionnement, mais aussi duquel est nié l'idée d'une histoire, c'est-à-dire d'une épaisseur, puisque la superficialité revendiquée et assumée est de nos jours la seule norme.

   Un peu plus loin, la même, dans le Monde, s'extasie devant la créativité lexicale du français, qui sur l'exemple de débile/débilité permet la formation de séparable/séparabilité. Ô miracle de la suffixation! Ô joie de la créativité! A quand le statut d'intermittent lexical? Dans sa propension à ne rien penser, c'est-à-dire incidemment à ne rien créer, notre époque se prosterne devant ses piètres forfaitures, se flattant comme jamais historiquement des médiocres résultats de ses laborieuses vélléités créatrices. Car si la modernité veut bien concéder l'invention de la roue à une époque de sous-developpement mental et donc moral de l'humanité, si elle accorde sans trop se faire prier celle du fil à couper le beurre et de l'eau tiède à un passé révolu et qui peut d'autant plus lui inspirer une condescendance respectueuse qu'il n'a jamais existé, elle prétend revendiquer l'invention du concept, se targuer de sécréter spontanément des idées – et dont on apprend ébloui, par le discours sur l'innovation, qu'elle serait l'indispensable voie de salut dans une époque mondialisée, comme si l'humanité se nourrissait uniquement d'idées neuves et creuses -, changements qui, pour le coup, permettent surtout à de bedonnants créatifs, communiquants en tout genre, de vivre grassement au dépens de tous les naïfs qui leur font servilement cortège et qui donnent occasion à l'inénarrable Laurence Parisot de ramasser dans une formule ce qui se répète de plus crassement convenu: « Ce concept de séparabilité représente un acquis majeur pour tous. »


1. Parisot se félicite du projet d'accord
, Le Figaro, 12 janvier 2008.
2. Fléxisécurité : le Medef satisfait, accueil mitigé chez les syndicats, Le Monde, 12 janvier 2008.
3. Pour Laurence Parisot, la "bonne durée du travail", c'est celle qui permet un "bon équilibre dans l'entreprise", Boursorama, 12 janvier 2008.

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21 décembre 2007 5 21 /12 /décembre /2007 17:30

undefinedne certaine rigueur, à défaut d'une rigueur certaine, incline parfois les journalistes - prenons David Pujadas par exemple1 - à sacrifier l'hétérogénéité irréductible de faits d'actualité disparates à l'exigence de cohérence et d'unité fictive et illusoire que se doit de présenter un journal télévisé, continuité que la figure du présentateur a par ailleurs comme unique rôle d'assurer. L'enchaînement des reportages a ses règles, qui ne se fonde même pas sur l'association d'idées, mais celle plus économique de mots. Entre un reportage sur le logement du directeur de cabinet de Christine Boutin et un sur l'espace Schengen, s'immisce l'intermède tragique, celui du décès d'une personne qui vivait dans la rue, mais qui malgrè sa pauvre condition eut le rare privilège de mourir sur la « prestigieuse » place de la Concorde, dixit notre éminence. Honneur et luxe insignes pour un sans domicile fixe, celle d'une condition qui ne sera finalement pas exprimée sur le seul mode privatif.
    C'est par la formule « toujours à propos de logement » que David Pujadas introduit le reportage: le terme logement permet aussi bien de discourir sur les personnes qui en bénéficient indûment que sur celles qui en sont privées, et en même temps qu'il assure la liaison entre deux reportages qui n'ont aucun rapport justifie la fonction, et incidemment le salaire, du journaliste. Car à l'instar du Medef, le journaliste contemporain n'a peut-être d'autre vocation, concernant les faits sociaux, que de les fluidifier.



 

1. Journal de 20 heures, France 2, 20 décembre 2007.

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25 novembre 2007 7 25 /11 /novembre /2007 04:09
t-copie.gifels les princes, Nicolas Sarkozy apprécie la compagnie des artisses1, qui par la grâce de leur seule présence font de lui un homme cultivé - emprunt qui ne coûte guère - , s'imprégnant ainsi un peu du génie d'un Johnny Halliday. Artisses qu'il conviendrait toutefois de ne pas trop promptement assimiler à des courtisans, pour la mesquine raison qu'ils viennent quémander. Reçu vendredi à l'Elysée, un parterre - terme n'indiquant pas uniquement leur position sociale, rampante - composé de quelques nécessiteux: tous multi-millionaires, Jean Réno, un des acteurs français les mieux payés, Marc Lavoine, marié à une princesse polonaise, Patrick Bruel, acteur-chanteur-joueur-de-poker engagé auprès des victimes du tsunami, etc. Les noms propres ne sont ici qu'anecdotiques: ils ne désignent qu'un type anthropologique, le genre rapace. Et si on a peu vu ces indigents dans la rue aux côtés des cheminots qui défendaient leurs privilièges, c'est que, sous les ors de la République, il leur sied mieux de faire valoir les leurs.

La-courtisane-Hinazuru-de-Keizetsur---copie-1.jpgRendez-vous avait donc été pris à l'occasion de l'officialisation du rapport commandé par la Ministre de la culture et de la communication, Christine Albanel, concernant "le développement et la protection des oeuvres culturelles sur les nouveaux réseaux". Y était convié, pour le gouvernement, Christine Lagarde, ministre de l'Economie, symbole de celle d'une industrie musicale soit disant moribonde et comme symbole chargé de remédier à cette banqueroute, Rachida Dati, ministre de la justice. Pour la partie civile, professionnels du cinéma et de la musique, dont Pascal Nègre, homme de goût et jury à la Star Academy, ainsi que des représentants des sociétés d'auteurs, notamment la Sacem, entreprise d'extorsion institutionnalisée. Pour les ayants droit, outre ceux sus-mentionnés, Christian Clavier, Alain Chamfort, Claude Berri ou encore Pascal Thomas. Rapport concocté dans l'intérêt général - auquel les cheminots sont si indifférents - par une commission présidée par Denis Olivennes2 qui, comme patron d'une enseigne de distribution des produits des « industrie de contenus », termes du communiqué3 - autrement dit industries du vide à contenu quelconque - se voyait confier la délicate mission d'édicter quelques préconisations sur le téléchargement illégal, dont son entreprise pourrait peut-être par ailleurs tirer quelques profits.

1. A l’abordage du piratage, Libération, 24 novembre 2007.
2. Denis Olivennes est patron de la Fnac, dont l'évolution sur les vingt dernières années a prouvé qu'elle n'avait rien à envier à un supermarché.
3. Communiqué, disponible sur le site du journal Libération.

Illustration: Utamaro Kitagawa, La courtisane Hinazuru de Keizetsurô, 18e siècle, musée Guimet, Paris.

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